LES LARMES DE L’IGNORANCE
ASTRIDE NINA NGUEGOUA
Elle parlait avec force et véhémence. Je n'avais jamais vu cette femme si ferme. Je ne comprenais pas la rage qui l'habitait. Nous étions tous victimes d'injustice dans ce pays. Nous étions tous mal lotis. On manquait d'eau, d'énergie et de gaz. On manquait d'école, et même qu'on mourrait de faim. Dans certaines régions du pays, les enfants faisaient leur classe sous un arbre, assis sur des pierres. Il est vrai qu'on avait cruellement besoin d'une sérieuse amélioration des conditions de vie dans tout le pays. J'avais parcouru le Sud-Ouest et le Nord-Ouest. Ces deux régions étaient bien plus nanties que bien d'autres. Elles connaissaient elles aussi des déboires, mais de là à demander la division du pays, je trouvais cela excessif. -Ma'a Mousie, repris-je alors que nous étions retournées nous asseoir dans la cour ; je comprends que les enseignants et avocats anglophones se révoltent et réclament de meilleurs traitements. Moi-même je veux faire ce genre de réclamations. Mais de là à demander la division du pays, ce n'est pas un peu osé ? -Tu ne comprends rien toi, dit-elle en me toisant. Tu me fais pitié. Elle cracha au sol après m'avoir dit cela.