Fatalité de la Révolution
Pierre Kropotkine
Fatalité de la RévolutionPierre Alexeiévitch KropotkineDeuxième partie de De l'autorité et de la Liberté— I —FATALITÉ DE LA RÉVOLUTIONCe qui effraie un grand nombre de travailleurs et les éloigne des idées anarchistes,c'est ce mot de révolution qui leur fait entrevoir tout un horizon de luttes, de combatset de sang répandu, qui les fait trembler à l'idée qu'un jour ils pourront être forcés dedescendre dans la rue et se battre contre un pouvoir qui leur semble un colosseinvulnérable contre lequel il est inutile de lutter violemment et qu'il est impossible devaincre.Les révolutions passées, qui ont toutes tourné contre leur but et l'ont laissé toujoursaussi misérable qu'avant, ont contribué pour beaucoup aussi à rendre le peuplesceptique à l'égard d'une révolution nouvelle. A quoi bon aller se battre et aller sefaire casser la figure, se dit-il, pour qu'une bande de nouveaux intrigants nousexploitent aux lieu et place de ceux qui sont au pouvoir actuellement ; je serai bienbête. Et tout en geignant sur sa misère, tout en murmurant contre les hâbleurs quil'ont trompé par des promesses qu'ils n'ont jamais tenues, il se bouche les oreillescontre les faits qui lui crient la nécessité d'une action virile, il ferme les yeux pour nepas avoir à envisager l'éventualité de la lutte qui se prépare, il se terre dans soneffroi de l'inconnu, voudrait un changement qu'il reconnaît inévitable. Il sait bien quela misère qui frappe autour de lui l'atteindra demain et ...