Szkolnikoff, le plus grand trafiquant de l'Occupation
Pierre Abramovici
Le 10 juin 1945, un corps calciné est découvert à proximité de Madrid.
L’homme est identifié sous le nom de Mendel Szkolnikoff, un Juif d’origine russe, curieusement détenteur d’un passeport allemand et d’une autorisation de circuler dans les territoires occupés par la Wehrmacht.
Il s’agit sans doute du plus gros trafiquant de l’Occupation, plus important que le célèbre Joanovici. Arrêté avant guerre pour diverses escroqueries, il est, depuis 1941, un agent financier avéré des Allemands, notamment de la SS.
Mais l’affaire Szkolnikoff, c’est surtout le plus grand séquestre de la Libération : 2 milliards de francs de l’époque accompagnés de 2 autres milliards d’amende pour Szkolnikoff et ses complices. Sans compter les amendes s’élevant à près de 1 milliard de francs (soit un total de près de 1 milliard d’euros). Car Szkolnikoff a bâti en très peu de temps, pour le compte de l’occupant, un immense empire immobilier et hôtelier : il détient des rues entières de l’Ouest parisien, mais surtout des dizaines de « palaces », essentiellement sur la Côte d’Azur. Le tout par l’intermédiaire de sociétés créées pour l’occasion à Monaco avec la complicité du Premier ministre monégasque.
Tous ces biens étant mis sous séquestre à la Libération, l’affaire Szkolnikoff se prolonge jusqu’à nos jours. Les autorités françaises poursuivent en effet les descendants de l’affairiste et de tous les protagonistes associés… au nom d’une condamnation prononcée après sa mort, comme le révèle cet ouvrage, ce qui est illégal ! L’hôtel Martinez à Cannes, dont les procédures sont encore en cours, soixante-dix ans après les faits, est au cœur de ce rocambolesque dossier qui n’a pas encore livré tous ses secrets.
Pour qui Szkolnikoff travaillait-il vraiment et d’où tirait-il ses protections ? Himmler, Goering l’affairiste, ou plusieurs dignitaires nazis à la fois ? Quelles sommes, apparemment énormes, a-t-il mis à l’abri dans les banques monégasques, espagnoles ou suisses avant de mourir, et que sont-elles devenues ? D’où venait le mystérieux commando qui a capturé et tué Szkolnikoff en Espagne en 1945, après l’avoir délesté des 600 MF de bijoux qu’il emportait dans sa fuite ? Certaines sources affirment qu’il s’agissait des services secrets français et que ce trésor de guerre – jamais comptabilisé – a reçu un usage inattendu… Et pourquoi le gouvernement français persiste-t-il à réclamer des millions d’euros à une nonagénaire, retraitée modeste ?
Szkolnikoff est-il même mort en 1945 ?
Personnage à tiroirs, connu jusqu’ici des seuls spécialistes, Szkolnikoff n’avait jamais fait l’objet d’une recherche fouillée. Cette enquête, menée dans plus de 6000 cartons d’archives provenant de cinq pays différents, apporte enfin des réponses étayées aux multiples fantasmes autour de « l’affaire Szkolnikoff ».